Ces 3 jours là !

3 jours d’une vie… 3 jours qui ont changé ma vie, qui m’ont changé, 3 jours de cauchemars… les raconter… pour expliquer, pour aider à comprendre ce qu’on vit dans ces moments là…

Tout a débuté quelques jours avant. Je suis hospitalisée depuis 4 jours pour rupture prématurée de la poche des eaux à 23 sa + 3… 4 jours de montagnes russes, passant de la peur, au profond désespoir, à l’espoir fou qu’on pourrait s’en sortir… Une journée de répit, la joie de voir ma fille après 3 jours d’enfer, un moment de monito avec le bonheur infini d’entendre son cœur battre la chamade… 150bpm… la plus belle musique au monde ! Nous sommes le 10 décembre !

Rassuré par tout cela, mon chéri rentrera dormir à la maison après 3 jours à dormir sur une couchette ou un fauteil. Il a besoin de souffler un peu… rien qu’un peu

Et les 3 jours commencent…

11 décembre, le jour où le monde a basculé

Aujourd’hui est un grand jour, nous passons la barre des 24 SA, j’ai eu les deux injections de corticoïdes… et j’ai le cœur léger.

La SF arrive vers 11h, pour le monito du matin. J’ai le sourire, la veille, j’avais tellement aimé entendre son petit cœur battre, je suis détendue.

Elle installe les capteurs, mais rien… elle bouge les capteurs, ça avait déjà fait ça la veille, elle avait du le chercher un peu… mais là, ça dure un peu plus longtemps. On entend bien un battement au loin, mais ce sont les battements de mon cœur, pas le sien.

Sur le coup, je ne m’inquiète pas. Je ne prend pas garde à son changement d’attitude, elle bouge les capteurs, plusieurs fois, les repositionne… en haut, en bas de mon ventre… et Rien…

Au bout d’un moment, elle me dit qu’elle n’arrive pas à trouver le cœur. Elle va chercher l’interne pour faire une écho. La jeune M. arrive vite, avec l’appareil d’écho portatif. Le fait qu’elle soit venue si vite aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Elle me prépare : le papier de protection sur le bas ventre, le gel, elle me cache l’écran. Sur le moment je ne m’en rend pas compte… elle place la sonde, elle cherche aussi, elle fait le tour… ne dit rien. Elle est concentrée.

De mon côté, je suis dans l’attente… je ne vois pas venir les choses, ou alors j’occulte… mon esprit refuse de penser à l’impensable !

Et là, la phrase… le verdict tombe : « Je suis désolé, je ne vois plus d’activité cardiaque » !

Mon esprit bugge… Elle m’annonce qu’elle va chercher le médecin. Je me dit qu’elle est jeune et peut-être pas très expérimenté (elle n’est que interne… dans ces moments là, on s’accroche à ce qu’on peut). Le médecin arrive, elle aussi très, trop rapidement pour que ça soit un hasard.

Elle reprend l’appareil d’écho, je ne vois toujours pas l’écran, elle passe la sonde sur mon ventre, je me dit qu’il doit se cacher… ce n’est pas possible.

Et à nouveau, le même verdict, presque la même phrase : « Je suis navrée, Madame, le cœur de votre bébé s’est arrêté ».

Arrêt sur image… que vient-elle de dire ? Non… ce n’est pas possible. La SF me prend la main, les larmes coulent toutes seules. Les regards sont désolés et pleins de compassion. Elles me demandent où est mon mari… il est à la maison. Il faut le prévenir, vous voulez le faire ? Nous pouvons l’appeler pour vous si vous voulez, lui dire de venir sans lui dire pourquoi. Dans ma tête, c’est le flou totale. Que dois-je faire ?… les laisser l’appeler, ai-je le courage de prendre mon téléphone pour lui annoncer, lui dire de revenir… A cet instant, je ne sais pas… je ne sais plus rien… Si… je sais juste une chose : mon LittleA n’est plus. Son cœur s’est arrêté, mon cœur s’est arrêté…

Elles me laissent seule un instant… le temps que je reprenne mes esprits et que je décide. Je les laisserai bien l’appeler, mais je sais ce qu’il va se passer… Il va s’inquiéter, si elles ne lui disent pas pourquoi il doit revenir, il va imaginer le pire… Mais le pire est en train d’arriver… Je le connais, il va être tellement inquiet, qu’il va se mettre en danger sur la route et on n’a pas besoin de ça ! Je prend mon courage à 2 mains et mon téléphone, je compose le numéro, j’entends sa voix… je ne me rappelle plus ce que j’ai dit… J’ai fondu en larme, j’ai dit « il n’y a plus de cœur »… ou alors « il est mort »… je ne sais plus ! Je pleure, lui aussi… pourquoi ne peut-il pas se téléporter jusqu’à moi… Je suis seule dans cette chambre, je pleure au téléphone en annonçant la mort de notre fils… Je lui dit de venir, j’ai besoin de lui… viscéralement, j’ai peur. Je sais ce qui nous attend, mais quand et comment… la grande inconnue !

Il me dit qu’il part, je lui demande d’être prudent… Il ne se passera rien sans lui. On raccroche.

La SF revient, avec son regard plein de compassion/tristesse/pitié. Je lui dit que j’ai appelé mon mari, qu’il arrive. Elle m’explique succinctement ce qu’il va se passer mais qu’on verra les détails quand mon mari sera là.

Vers midi, je suis encore seule. J’essaie de joindre ma meilleure amie, L. J’appelle d’abord, mais comme elle répond pas, j’envoie un message. Elle n’est pas dispo, elle me dit quand je peux appeler. Quelques instants après, je l’appelle, je ne me souviens pas du tout de ce qu’on s’est dit. J’ai retrouvé les messages échangés ensuite. Elle s’est chargé de prévenir une partie de nos amis… Moi, je préviens d’autres amis. J’appelle mes parents qui sont avec TiteN chez Flunch. Au premier appel, je ne pourrais rien leur dire, elle est avec eux. Ma mère l’emmène aux toilettes, mon père me rappelle. Je lui annonce. Ils me diront après qu’ils l’ont laissé aller jouer dans les jeux du restaurant et sont restés à pleurer à leur table…

Mon mari arrive, je ne me souviens plus ce qu’il s’est passé, nous avons surement du pleurer. Il me demande si on peut pas avoir un autre avis. Je lui dit qu’en j’en ai déjà eu 2. Il est mort… il n’y a plus de cœur, plus de battement, plus rien.

En parallèle, la famille a été prévenu, les copines de PMA aussi, PtiBichon, Carotte, Zelda sont aussi prévenues. I., La cousine SF de mon mari aussi… Elle est habituée aux protocoles dans ces cas là. Elle bosse en CHU, elle accompagne des couples comme nous et les protocoles sont les mêmes partout en France. Elle sera d’une aide précieuse, d’un soutien infaillible malgré la distance, elle habite sur la côte Ouest de la France… Nous échangerons des centaines de messages durant les 3 jours qui vont suivre et les semaines ensuite…
La Team PMA aussi sera d’un soutien précieux, nos amis aussi… Je me demande vraiment comment on aurait fait sans tout ce soutien, à distance mais tellement proche !

Nous sommes tous les deux, abattus, échangeant des messages avec les uns et les autres… puis S. est arrivée. Elle a tout lâché quand elle a su… Elle a confié ses enfants à sa maman et est venue. Elle a traversé toute la ville, elle est là. Elle me sert dans ses bras, fort… Elle me dit que ça lui rappelle des souvenirs, elle me dit qu’elle est venue parce qu’elle ne pouvait pas ne pas venir, que si on veut qu’elle parte, elle partira… C’est elle que DNLP n’a pas épargné après la naissance de sa 2ème fille. Nous avions nous aussi tout lâché, bravé les heures de visite pour venir quand nous avions su pour Pitchounette ! Elle restera toute l’après-midi avec nous, jusqu’à ce que J-G, le parrain de LittleA, arrive. Elle a été d’un soutien sans nom ce jour là. Elle nous aidera à vivre cette journée et que ça soit plus doux. Nous avons discuté de plein de chose, de sa vision de la vie et de la mort depuis qu’elle a Pitchounette, gravement handicapé…

Le soir arrive. J-G viendra, S. nous laissera. Là aussi, c’est le flou absolu. Je ne sais ni combien de temps il est resté, ni ce que nous nous sommes dit. Mais il était là, nous le chargeons de passer à la maison pour envoyer l’arrêt de travail qui est resté sur la table à la maison, de rapporter notre livret de famille pour y faire inscrire LittleA, de m’apporter des vêtements aussi dans l’espoir que je puisse sortir vite après tout ça. Il partira et nous laissera un peu plus tard.

Nous aborderons le sujet de la sépulture de LittleA avec mon mari. Nous ne voulons pas l’enterrer près de chez nous. Il y sera seul, et je n’aime pas cette idée. Nous aimerions le mettre dans le tombeau dans le sud, auprès de ma jolie Maman. Il y sera bien. Le lieu est beau, serein…

La SF de nuit viendra nous (ré)expliquer ce qui nous attend le lendemain. Ils viendront me chercher vers 8h30, enfin peut-être plus tard. Il y a 4 autres couples qui vont vivre la même chose que nous, le lendemain, et une des dames est diabétique. Elle est prioritaire. Nous demandons des détails sur ce qu’ils vont me donner pour déclencher l’accouchement. PtiBichon et I. m’ont parlé de 2 médicaments possibles.
Je frémis quand la SF me parle de Cytotec… C’est juste hors de questions que j’en prenne, je lui raconte mon expérience du Cytotec pour ma première FC, les effets secondaires, je ne veux pas revivre ça, surtout pas pour LittleA. Elle prend note et me dit qu’elle va voir avec le médecin… Après quelques recherches, on découvre que le Cytotec n’a plus d’autorisation de mise sur le marché pour la gynécologie. Il y a donc aucune chance qu’on me donne ça. Elle m’explique bien tout ce qui va se passer. Elle répond du mieux qu’elle peut aux questions… Elle me donne de l’Atarax pour que je dorme. Il faut que je me repose, demain sera une journée difficile… et elle le sera… vraiment.

12 décembre, le jour où il a fallu accoucher…

J’ai dormi… grâce à l’atarax. On nous réveille vers 6h30. La SF me fait une prise de sang pour contrôler mon hémoglobine. Je crois que j’ai pris une douche. Je suis comme anesthésiée. Je fais les choses mécaniquement. J’attends qu’on vienne me chercher.

Un brancardier arrive. Il est 8h. Je pars en chaise roulante. Avec mon oreiller… lol ! J’ai déjà passé une nuit sur une table d’accouchement 4 jours avant, leurs oreillers sont nuls. Je veux le mien, surtout que je sais pas combien de temps cela va durer.

Nous croisons quelques personnes, le service est silencieux, comme s’il retenait son souffle… comme si tous et toutes savaient ce qui se tramaient pour quelques uns d’entres nous et qu’on voulait nous laisser vivre ça sans heurt !

Couloirs, ascenseurs, j’ai déjà fait ce chemin dans un sens, et dans l’autre, plusieurs fois ces derniers jours… Nous entrons dans la zone des salles de naissance. Le brancardier parcoure le couloir et nous emmène dans la salle que j’ai occupé il y a 4 jours justement. Celle là même où j’ai été sous surveillance une nuit complète, où mon dos m’a fait souffrir le martyre… Hasard ou pas… je ne le saurais jamais.

Une SF entre dans la chambre, elle me dit qu’on se connait, en effet, c’est elle qui était là à notre arrivée aux urgences, elle s’appelle Aurélie, elle nous dit que si on le souhaite, c’est elle qui nous accompagnera aujourd’hui. Elle est d’une grande gentillesse. Avoir quelqu’un que je connais à nos cotés me rassure. Elle nous réexplique comment va se dérouler la journée : la pose de la péridurale, la transfusion (mon hémoglobine est trop basse, ils veulent éviter un accident durant l’accouchement si je perd trop de sang), les comprimés à prendre toutes les 3h… elle nous dit qu’il ne faut pas hésiter à l’appeler dès que nécessaire. elle est là pour nous… on valide ensemble aussi ce qu’il doit se passer après la sortie de notre bébé : est-ce que c’est elle qui devra s’occuper de lui, dans ce cas là, elle s’occupera de moi en priorité, sinon une de ses collègues pourra s’occuper de notre bébé. Je ne veux pas qu’il soit laisser seul, je veux qu’on s’occupe de lui…

Elle m’explique que l’anesthésiste va arriver pour me poser la péridurale, elle a commandé les poches de sang pour la transfusion. L’équipe d’anesthésistes arrivent. On fait sortir mon mari, je suis seule, vulnérable, à moitié nue, le dos exposé pour la pose de la péridurale. Je dois regarder le sol, ne pas me contracter pour qu’il puisse passer l’aiguille au bon endroit… Il a monté la table à sa hauteur, je peux voir dehors. Le jour se lève doucement, il a l’air de faire beau. L’anesthésiste doit s’y reprendre plusieurs fois. Il n’arrive pas à passer le cathéter. Je commence à faire un malaise. Il m’encourage : « courage, il faut que vous teniez encore un peu. » L’infirmière anesthésiste est là… je regarde dehors, je m’accroche à cette image de dehors, le jour à peine levé, le ciel rosé. Il va faire beau, mon fils est mort, je vais devoir accoucher. Je suis morte de trouille !

On m’aide à me rallonger, la tête sur mon oreiller, à moi… Une autre anesthésiste arrive pour me poser un nouveau cathéter pour faire la transfusion sanguine. Les culots viennent d’arriver, ils sont froids, il va falloir le faire passer dans un réchauffeur, une espèce de circuit chauffant pour le sang. Je suis branchée… péridurale OK, j’ai la manette dans les mains pour les injections ! Transfusion en cours ! Mon mari peut revenir.

Aurélie revient, il est 10h26, et me donne mes premiers cachets, du gymeso, ceux qui vont forcer mon corps a avoir des contractions qui vont ouvrir mon col et faire sortir mon bébé… J’en prendrais 2 toutes les 3h jusqu’à ce que les contractions soient suffisantes pour qu’il sorte.

Nos téléphones nous permettrons d’avoir de précieux soutiens de la part de nos amis… PtiBichon, Carotte et Zelda seront présentes toute la journée ainsi que I. Elles seront d’un soutien immense en cette journée terrible…

Les 3 premières heures, ils ne se passera pas grand chose… à 13h36, 2ème prise, je commence à sentir quelques contractions, j’essaie de moduler les injections de la péridurale pour ne pas être totalement anesthésiée. Je peux bouger mes jambes, elles sont engourdies mais je peux encore bouger. C’était important pour moi de ne pas être totalement clouée à cette table et de sentir ce qu’il se passait dans mon corps… après tout je rêvais d’un accouchement physio sans péridurale…

Nous profiterons de cette attente pour prendre les décisions pour les obsèques de LittleA. Mon homme m’avoue qu’il ne supporte pas l’idée qu’il puisse pourrir dans un cercueil. Nous nous décidons donc pour une crémation. Nous parlons de tous les détails : cérémonie religieuse, crémation puis nous l’emmènerons auprès de sa grand-mère dans le caveau à Vaison-la-Romaine. Nous parlons des musiques que nous voudrions entendre aussi. Ça sera du classique : Clair de lune de Debussy, l’Hiver des 4 saisons de Vivaldi et la 7ème de Beethoven… des morceaux qui nous touchent tous les 2…

3 nouvelles heures passent. Mon homme a demandé à voir Aurélie pour des questions sur les obsèques et sur la déclaration de notre bébé… Nous prenons les décisions au fur et à mesure.

3ème prise vers 16h36… tout va s’accélérer à partir de là. A 17h, je ressent quelques grosses contractions et d’un coup, je sens qu’il sort… mon bébé est sorti tout seul, j’ai encore les protections et la culotte jetable. Aurélie n’a pas voulu me les enlever me disant que si c’était elle, elle ne voudrait pas être nue mais du coup il est passé sur le côté, je le sens contre moi et le souvenir de cette sensation ne me quitte pas… on l’appelle, elle arrive très vite avec une de ses collègues, elles coupent le cordon et la 2ème SF part avec mon fils pour s’occuper de lui. Elles nous demandent de confirmer son prénom : ça sera bien Aurel. Aurélie reste avec moi, elle doit s’assurer que le placenta sorte… malheureusement a ce stade de la grossesse, il n’y a aucun capteur et aucune hormone pour la délivrance… elle doit donc intervenir au plus vite pour tenter de le sortir. Ce qu’elle tentera ne fonctionnera pas…

Quelques minutes après que mon bébé soit sorti dans l’intimité la plus totale, la salle se remplit de monde : médecins, anesthésistes, sages-femmes… elles sont une dizaine à s’agiter autour de nous. On installe mes jambes sur les étriers et Aurélie me les attache dessus pour qu’elles ne tombent pas.

Il faut faire un curetage, mon col se referme vitesse grand V et très vite elles ont du mal à passer les instruments. Le placenta ne se détache pas, les anesthésistes m’injectent pleins de produits, on sent que la situation est tendue pour moi, mes constantes sont limites, je m’épuise… Je n’ai qu’une idée en tête : voir mon fils, m’occuper de lui… et elles sont en train de me charcuter les entrailles pour ce fucking placenta dont je n’ai plus rien à foutre. Je veux voir mon fils !!!!

Il doit y avoir 2 gynecos, 2 ou 3 internes, notre SF et 2 ou 3 anesthésistes qui alimentent mes perfs avec des produits pour les douleurs et me maintenir consciente… j’ai la sonde d’écho sur le ventre, je sens les instruments dans mon utérus, j’entends la gynéco les racler quand elle les sort. Je n’ai pas mal mais je ressens tout…

A un moment, les médecins demandent une injection d’un produit et les anesthésistes en cœur ont toutes répondu « ah non ça, c’est pas possible ». On sent que c’est tendu… mais je veux voir mon fils, je suis à bout de nerf, je n’en peux plus, je dis « Vous n’avez pas fini de me faire chier ? »… et là, elles comprennent que je ne supporterais pas la situation encore longtemps.

Une anesthésiste se penche vers moi : « Madame, on y arrive pas. On va vous transférer au bloc pour vous anesthésier complètement, vous ne sentirez plus rien »… en moins de 3 min, la décision est prise, on me transfère au bloc de césarienne et on m’endort pour continuer le curetage.

Je me réveille un certain temps plus tard dans une salle de réveil, j’entends un nouveau né pleurer, ça me déchire le cœur, j’entends aussi les voix de 2 médecins ou sf qui disent qu’elles n’ont pas eu le choix, qu’il y a un problème dans l’autre salle de réveil. Il y a « Là bas » qui passe à la radio… tout pour ajouter à ma peine, cette chanson a été celle pour dire adieu à ma marraine…

Elles me ramèneront très vite dans la salle d’accouchement et je retrouverai mon mari… mes souvenirs sont flous de ces moments, j’étais encore dans le gaz… Mon obsession était que mon fils ne soit pas seul. Je demande à mon homme d’aller le voir, de ne pas le laisser seul. J-G est là, ils y sont allés tous les 2, le temps que moi j’émerge bien.

Je n’ai rien mangé de la journée, je voudrais manger des sushis. Cela peut paraître bête, c’est un peu comme l’oreiller, ce sont des petits détails qui réconfortent un tout petit peu… Ils se chargent de faire une commande a livrer via Uber Eats ou autre deliveroo…

Ensuite, ça sera mon tour de voir LittleA. La relève a eu lieu, c’est Louise, une autre sf que nous avions croisé aussi à notre arrivée qui a pris le relais. Je lui demande à voir mon fils. Je suis seule dans la salle d’accouchement, je suis dans mon lit, mon homme est parti récupérer la livraison de sushi pour qu’on puisse manger…

Elle m’amène mon tout petit, elle me le dépose dans les bras, il est dans un nid d’ange et a un bonnet tricotés main par une association de mamanges, Lou’Ange… c’est si beau, il est beau… il est si petit aussi, mon ange… j’ouvre le nid d’ange, j’ai besoin de le voir, de voir son corps, ses bras, ses pieds… tout ce qu’une maman normale d’un bébé bien vivant fait… il a les pieds avec de l’encre grise dessus, elles ont fait des empreintes de ses pieds comme souvenirs… il a la peau rouge, apparemment, c’est normal à ce terme. Il y a des petites marques sur sa peau, Louise me dit qu’il commence à s’abîmer. Ça me brise un peu plus le cœur, j’ai tellement peur de la décomposition… je ne veux pas qu’il s’abîme.

Ce moment a été à la fois difficile mais tellement beau… cette rencontre avec mon bébé, mon fils… ce petit corps contre moi… 😔😔😔😔 Je le rend à Louise, le cœur en miette, elle doit l’emmener au funérarium…

On me remontera dans ma chambre à 23h45… mes sushis m’attendent, mon homme et J-G sont là. Béatrice, la sf de la nuit est là. On installe mon lit et je mange mes sushis avec plaisir… Béatrice me dit qu’il faut que je sois à jeun à partir de minuit, car il se peut que le lendemain on doive m’opérer pour le placenta qui est encore là… Fuck… je prend le temps de manger, je n’ai rien mangé depuis 24h… j’ai accouché de mon fils mort… j’ai subi un curetage foiré… j’ai été endormi… j’estime que je peux bien manger mes sushis tranquillement après tout ça !

La nuit se passera plutôt bien. J’écrirais le texte que je lirais lors de la cérémonie durant cette nuit là…

13 décembre, pour bien finir… ou pas

Le lendemain, mon mari repart à la maison prendre une douche et s’occuper des papiers. Je vais pas trop mal, les médecins aimeraient que je passe une IRM pour voir pourquoi le placenta ne s’est pas détaché et décider quoi faire, mais c’est compliqué car les internes sont en grève, il y a moins de personnel, on vient me chercher pour une écho 3d faute d’IRM… on me parle d’embolisation, une technique qui permettra de stopper l’alimentation en sang du placenta qui du coup se nécrosera et partira tout seul… je n’ai qu’une obsession, m’occuper de mon fils, de ses obsèques, je veux voir l’assistante sociale qui a des infos sur ce sujet. Elle me rend visite, on discute un moment… pendant que je mange… elle me donne les infos dont j’ai besoin, je vais pouvoir appeler les pompes funèbres… m’occuper de lui. Je n’ai que ça en tête… prendre soin de lui, comme toutes les mamans, comme je peux, qu’on prenne soin de lui !

Elle me laisse… et tout rebascule en 1h, je perd à nouveau beaucoup de sang… les médecins décident de me transférer au bloc gynéco pour me préparer à l’embolisation. J’ai peur, je suis à bout de nerf, je suis seule, j’échange des sms avec mon mari, il faut qu’il revienne à nouveau en urgence à l’hôpital. Un ami, le parrain de TiteN, qui travaille pas loin de l’hôpital m’envoie un sms, il me propose de venir… je lui explique rapidement par sms ce qu’il se passe, je lui dit que j’ai peur. Il lâche tout et vient jusqu’à l’hôpital au plus vite. Il ne me verra pas car on m’a déjà descendu, dans mon lit et avec mon oreiller, mon précieux oreiller, en urgence au bloc mais sera là à l’arrivée de mon chéri.

Je suis dans une salle de réveil, il faut attendre que le bloc d’embolisation soit dispo, on me met sous surveillance accrue. J’ai peur de ce qu’on va me faire, je perd à nouveau beaucoup de sang… j’ai mal aussi, j’ai des contractions douloureuses. Un médecin un peu indélicat qui n’avait pas vraiment vu mon dossier me dit que c’est sûrement un peu d’appréhension… je vois rouge… je lui dit que j’ai perdu mon fils la veille, que je ne veux qu’une chose c’est m’occuper de mon bébé… alors qu’il me règle vite ce problème que je puisse enterrer mon fils… il est reparti penaud… et bien embêté. Mon mari arrive enfin accompagné de Charlotte, ma si gentille SF qui a été mon ange gardien les 2 premières nuits à l’hôpital.

On m’emmène enfin au bloc d’embolisation. 2 grands bonhommes m’emmènent avec mon lit toujours, je pense qu’ils n’étaient pas brancardier, mais que par manque de personnel, c’est eux qui m’ont emmené. Ce sont eux d’ailleurs qui m’installeront sur la table d’embolisation, l’un deux me met mon oreiller sous la tête. Ils précisent que c’est mon oreiller perso, et qu’il faudra bien me le remettre… Je sais, c’est con cette histoire d’oreiller, mais c’est le seul truc fun, un peu fil rouge dans toute cette merde…

J’aperçois au bout de mes orteils le médecin que j’avais envoyé chier un petit peu plus tôt, il indique au chirurgien que je viens de vivre des moments difficiles et qu’ils vont bien me shooter pour que je ne souffre pas… Et en effet, je suis bien incapable de savoir combien de temps ça a duré et ce qu’ils ont fait exactement. Je sais qu’ils ont du me retransfuser, j’ai entendu dans le brouillard des médocs, le médecin « indélicat » dire que le labo venait d’appeler en urgence, mon hémoglobine était trop basse… mais je n’ai rien vu, rien senti. Je ne sais même pas combien de temps ça a duré. Je sais qu’à un moment, on m’a remise dans mon lit, que j’étais sondé avec un garrot sur mon artère fémorale et impossibilité de me lever. En salle de réveil, j’entends qu’ils veulent me transférer au service gyneco mais Béatrice, ma « petite maman de la nuit » en grossesse patho refuse, elle leur dit qu’elle va me surveiller toute la nuit mais que non, on ne me changera pas de service… les brancardiers me remontent donc dans ma chambre en grossesses patho, je suis branchée de toute part, j’ai une pompe à morphine, et j’aurais plusieurs perf d’antidouleurs dans la nuit. L’embolisation est très douloureuse, je n’ai pas le droit de me lever à cause du garrot, je ne peux pas bouger. La nuit passe, interrompue par Béatrice qui viendra souvent me voir et vérifier que je vais bien. Je suis dans le gaz à cause des médocs…

Voilà… 3 jours de descente aux enfers… 3 jours qui m’ont profondément marqué, blessé, traumatisé. Je sens que je ne serai plus jamais la même après ça…

5 réflexions sur “Ces 3 jours là !

  1. C’est impossible de trouver les mots. En tant que personne extérieure on pleure et on a juste envie de tout casser devant ce sentiment d’injustice. On a de toute manière ce sentiment d’injustice quand on voit la douleur chez les autres, la maladie ou la mort. Apres il y a les platitudes : c’était écrit, tu es vivante, avec le temps bla bla bla … il reste que ce genre d’épreuve est intolérable de souffrance. Plein de pensées à vous.

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